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par noug2 » lun. oct. 28, 2013 10:40 pm
SAAB 900 TURBO 8s 1983
Copié /collé de do you like my car
Ceci n’est pas une voiture, c’est une Saab 900. Enfin, plus exactement une Saab 99 née en 1966, bonifiée avec le temps, étirée, touchée de ce que l’on nomme les belles rides, par rapport aux joues rondes de la gamine d’antan. Mais elle avait du charme, et aussi de la retenue, trop, sûrement, pour répondre aux exigences d’une nouvelle et prometteuse décennie, les années 80. La Saab 900 est née peu habitable et elle l’est restée toute sa vie. Les années 80 furent entre autres celles des tableaux de bord. Citons pêle-mêle l’Audi Quattro et son affichage digital vert, les Renault qui parlaient, Citroën qui s’est bien lâché, Fiat et Lancia, avec une classe certaine pour le second (HPE, Delta), les consoles tournées vers le conducteur des BMW, certaines frasques chez Honda et Alfa-Romeo (Novanta)… En 1978, on prit l’audacieux pari de relancer la 99 à travers les eighties. Et tant pis pour la tendance !
Ceci n’est pas une voiture, d’ailleurs, il suffit de la regarder. Pourquoi ne fait-elle rien comme tout le monde ? Et surtout, comment parvient-elle à rendre harmonieux un ensemble de lignes aussi loufoques ? Par quel miracle l’ondulation de la chute du pavillon se marie t-elle aussi heureusement avec des gros pare-chocs massifs, longs et anguleux, une surface frontale si ridicule, un copieux béquet en mousse dressé vers les cieux, des clignotants à l’envers, un pare-brise de vaisseau spatial, un capot globuleux et envahissant qui dégouline lourdement sur des ailes d’une surface pour le moins inusuelle, mais qu’est-ce donc ? Une baleine ? Un cachalot ? Ou tout autre sorte de cétacé béat venu du Grand Nord et doté de facultés innées de lutte contre le froid et l’épuisement tel un antédiluvien navire à double-coque radié de tous les ports Occidentaux ? Nous y sommes presque. C’est un brise-glace.
La Saab 900 est, comme les vieux paquebots, connue sur toute la planète. Il doit même il y en avoir au Japon. Même si elle ne coûte pas forcément plus cher qu’une autre voiture, on la trouve essentiellement dans des catégories sociales dites « libérales » composée d’un nombre incroyable d’avocats, mais également de galeristes d’art, des dentistes, des journalistes, mais il serait malhonnête que d’omettre une part notoire de mécaniciens. Non que ce soient des autos qui tombent en panne, d’ailleurs c’est tout à fait l’inverse, mais ce sont des voitures 100% , à l’image des Alfa-Romeo et des Muscle Cars, ou pour les amateurs du genre, des roadsters Anglais. Des voitures de passionnés. Il existe, outre le véhicule, un autre point commun à ces individus : ils sont mariés à de très belles femmes. Une part d’entre eux a une propension artistique, que ce soit dans l’accomplissement ou la perception, en musique, en arts visuels, ou les deux. Nous avons quoi qu’il en soit des esthètes, esthètes à leur façon rajouterais-je afin de rester objectif, puisqu’ils ont d’abord été séduits par la ligne. Ou plutôt, justement, cet agencement de parties bizarres qui ne ressemblent pas à des bouts de voitures, mais davantage, s’il fallait y mettre un nom, des éléments éparses provenant de l’aéronautique et de la marine. Un tel émoi est forcément provoqué par l’intérêt de l’étonnement. Cela paraît infime. Les voitures étonnent souvent, il suffit d’aller au salon de Genève. Mais qui achète ces voitures, qui adhère à cet étonnement, qui y réagit, qui y est sensible ? Pas grand monde, si l’on considère le nombre de Scenique gris qui circulent ! Vous voilà donc dans une caste. Quelle horreur. La Saab 900 est une voiture d’individualiste. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’habitabilité ne lui fait pas ombrage au moment du choix. Pour les passagers, c’est moyen, mais par contre le volume du coffre du Coupé-Combi est époustouflant, si ça peut aider à rassurer Madame (car je suis sûr que vous rêvez d’une Saab 900 !)
Justement, venons-en aux aspects pratiques et au budget car autant dissiper maintenant les innombrables légendes qui gravitent autour de son étrange faciès. La Saab 900 est une voiture « calorique et énergétique ». Comme toute automobile née dans les années 60. Elle ne consomme pas plus d’eau et d’huile qu’une autre, mais requiert une alimentation constante en carburant pour fonctionner. Pourquoi constante. Si vous roulez tous les jours avec pour faire beaucoup de kilomètres, vous ferez deux pleins par semaine, et ça finit par donner l’impression de passer son temps à mettre de l’essence. Si cela ne vous rebute pas, passons directement au mode d’emploi de la jauge, commune à toutes les 900. Elle est conçue de manière à faire croire que la 900 consomme peu. Donc au-dessus de la moitié, tout va bien, vous pensez faire Dôle-Helsinki d’une traite car l’aiguille stagne très longtemps entre 30 et 45L, et le 30, il est à mi-jauge, donc ça baigne dans l’huile Ultron hauts rendements et vous cruisez à 160 sans sourciller tandis que la soufflerie ventile plus chaud que d’habitude, c’est normal, vous êtes seul avec le son du moteur à gérer votre champ de vision panoramique et votre cockpit organique et valorisant. Vous réalisez à ce moment que vous êtes parfaitement acclimaté à ce nouveau milieu qui vous parut si étrange la première fois. Car de prime abord, la position de conduite est déroutante. On se sent haut, dressé sur le tableau de bord, à chercher loin des pédales à la course profonde et à manier un long levier d’un plastique pas très heureux qui arrive très près du volant. Nous reparlerons de la boite. Car un autre souci se profile. Vous étiez à 30L il y a dix minutes, et vous voilà en dessous de 15 !
Pour en finir avec la consommation et ne pas passer pour un obsédé de la goulotte, simplifions en rappelant que la moitié de la jauge constitue un bref et lapidaire rappel à faire le plein avant de s’aventurer dans le Sahel ou Death Valley. Le passage aux 15L équivaut à attaquer la réserve sur une voiture normale. Car la réserve de la 900 n’existe pas, et en plus, elle n’en témoigne pas en s’allumant orange. Lorsqu’elle tombe en panne sèche, c’est bien avant les prévisions du conducteur, et c’est définitif. Vous ne repartirez plus. Même pas 200m en toussotant. Sachez en définitive qu’elle pèse 1200kgs mais qu’elle semble beaucoup plus lourde à pousser. Nous allons enfin pouvoir l’essayer.
Toujours un peu dressé sur le siège curviligne, car vous êtes encore un peu impressionné, vous mettez la ceinture (pour pas que les flics vous arrêtent et remarquent vos pneus lisses héhé), jetez un regard rationnel à l’environnement : deux cadrans simples, fort lisibles, rappelant les Volvo, vous ne risquez pas de vous y perdre, c’est la sobriété ergonomique suédoise, mais tout autour, ça ne ressemble à rien d’autre. Le tableau de bord rejoint la base du lointain pare-brise par la grâce d’une véritable table de salon en plastique noir dotée d’un renflement permettant d’y laisser vaquer des tickets de stationnements qui constituent une gêne importante en se reflétant dans la vitre lorsqu’on prend des photos en roulant. Il arrive que ce tableau se fendille sur les modèles les plus exposés au soleil mais globalement l’assemblage est excellent, hormis pour certains boutons de chauffage sommairement clipsés, ou encore le revêtement de la petite console centrale qui fait figure de pièce rapportée. En dessous, l’ensemble est garni d’un tissu glacé synthétique très souple et très aux normes de protection des genoux. Les coins abrupts de la planche peuvent surprendre dans cette entreprise sécuritaire, mais il s’avère qu’elle est disposée très loin, suffisamment pour que les prétentionenurs ne bloquent les ceintures avant qu’elle soit atteinte. Comme c’est une voiture suédoise, il s’avère que tout est très bien agencé pour favoriser la conduite pure et permettre une rapide et bienveillante accoutumance. On s’y sent très vite bien. Surtout en hiver. Les fumeurs apprécieront la taille géante du cendrier, et découvriront au bout de quelques mois que les cendres stockées se déversent dans le vide-poche de la console centrale au coup par coup lorsqu’on referme ledit cendrier.
Phase suivante, ouvrir le toit, car une 900 se doit de posséder un toit ouvrant, que l’on actionne d’une poigne franche et déterminée. Indestructible et extrêmement simple, son mécanisme de coulissement a déjà enterré plusieurs générations de TOE. La très légère lèvre de tôle qui marque son entourage préserve bien des bruits d’airs. Mais son avantage principal est plutôt de permettre l’arrivée dans l’habitacle de relents d’huile chaude et de liquide de refroidissement à haute vitesse ou en phase d’accélération. Un luxe qu’aucune voiture actuelle de grande série ne peut se targuer d’offrir. Le conducteur d’une 900 jouit d’un champs de vision optimal, grâce au pare-brise, nous l’avons vu, mais également en rétrovision puisque les épais montants de custode ne la gêne en rien, tandis que les rétros extérieurs sont dotés d’une partie convexe dévoilant les angles morts, et ce bien avant d’autres marques de renom. La clé de contact, je ne l’apprends à personne, se situe entre les sièges avant, ce qui procure un plaisir inimitable à chaque trajet. Lorsque le système fonctionne encore, il n’est possible de la retirer qu’en marche arrière. Les versions à anti-démarrage ajoutent à l’opération une puce à lire avant de mettre la clé dans le contacteur. Et à partir de là, le néophyte prend conscience que la voiture est à l’image de sa ligne : spéciale.
Entrons dans le vif du sujet. La 900 est une auto qui atteint vite sa température « de croisière », c’est même écrit dans le catalogue d’époque. C’est votre amie des matins glaciaux. De chaleureuses effluves vous parviendront des grilles au bout de votre rue, et vous aurez vite trop chaud. Les deux premiers rapports surprennent au début. Très courts, ils donnent l’impression d’arracher le train avant au bitume si on tire dedans. Et ils sont comme les autres : ils poussent fort. Les secousses du turbomètre l’avaient promis. Sans aller jusqu’au violent rupteur, vous accrocherez le cent en troisième, et au moment venu d’enchaîner la quatre, vous constaterez avec éblouissement que le levier de vitesses est idéalement près du volant. Vous prendrez un certain plaisir à reprendre la gestuelle des pilotes de rallye qui passent en un éclair d’une commande à l’autre. Il y a là quelque chose de réellement sportif, efficace et même de provoquant. De toutes façons, elle n’aime pas se traîner. Sur autobahn, vous voici sans peine à 180 et l’aiguille fonce joyeusement vers le gros 200 tout rond. Enhardi par sa souveraineté à haute vitesse sur revêtement correct, nous en reparlerons plus loin, vous abordez ce défi en confiance. Si maître de la situation, grâce à vous, mais aussi à la voiture, vous oubliez que vous êtes en train de poursuivre des Passat Tdi avec une Saab 99 de 1966 optimisée. Elle va rapidement vous rappeler comment c’était, dans les seventies. Train avant et direction très légers, imprécision de la stabilité et de l’inscription, et cette sensation que ce n’est plus vous qui conduisez, mais la voiture qui vous mène. Je parle bien entendu de vitesses très élevées comprises entre 180 et 200 km/h pour les T8 usine, allures auxquelles nous avons de moins en moins souvent l’occasion de nous promener. Outre ce phénomène classique chez les vieilles tractions, nous allons commencer à entrevoir en quoi elle est la meilleure voiture du monde.
Si l’escapade autoroutière vous a séduit quant au degré de performance de l’engin, tout à fait au goût du jour, vous ne perdez pas de vue que rouler vite en ligne droite, c’est pas non plus une gageure. Vous attaquez ainsi la bretelle de sortie qui se présente à grande vitesse pour tester les freins. Un ralentissement d’abord, puis tombez la quatre en faisant bondir l’aiguille du compte-tours sans que cela ne baisse réellement votre allure. La disposition du levier de vitesses reste là encore, en rétrogradation « sport », diaboliquement efficace. Le freinage ne vous enverra pas dans le pare-brise. D’un modèle de linéarité, il agit honnêtement sur les disques et s’avère fort endurent si on le compare aux Alfa-Romeo, Fiat, BMW ou surtout Golf contemporaines. Sans atteindre néanmoins la résistance exceptionnelle de ses compatriotes de Göteborg, Volvo 240 et surtout 740/760, ces dernières étant équipées précocement de disques ventilés. Puisqu’il faut bien chipoter, le client Volvo reste un peu sur sa faim. Plus puissante, plus sportive (ce n’est pas très difficile…) mais bien plus légère, la 900 semble avoir un freinage quelconque à côté de ses cousines germaines. Que cela ne tienne, de toutes façons, on est pas là pour freiner. Le tracé se dévoile de plus en plus sinueux, voire la déclivité s’annonce, et vous réaliserez très vite que les freins, vous ne vous en servez pas souvent. A quoi bon ? Vous découvrez que la Saab 900 jouit d’un comportement routier phénoménal, qui distille sans relâche la même sensation : celle d’être en sécurité absolue.
Une sécurité qui ne fera que se préciser au fil des kilomètres. La 900 passe vite, et comme dans du beurre. Son agilité est à la hauteur de son niveau de reprises. Vous voici constamment à vive allure, dans les tours, avec du couple à disposition et une répartition des masses assurément idéale. L’avant que l’on craignait lourd à porter s’avère sans histoire. L’arrière suit docilement. Elle enroule la 900 ? Oui mais sereinement. La vitesse et la quiétude. Comme vous ne roulerez que très rarement, ou peut-être jamais, à fond sur route ouverte, vous n’exploiterez dans le cadre de vos trajets qu’un certain pourcentage du potentiel de l’auto. Il reste une sacrée marge. Pour se mettre au tas avec une 900, faudra se lever très tôt. Oui, ce sont des paroles, dithyrambiques, un peu trop à votre goût (non, je ne suis pas salarié du département Classic de Trölhatten) et vous avez raison de ne pas vous laisser entuber (de manière générale). Un jour, ou plutôt un matin d’août sans trafic, vous voici lancé à 130km/h sur une départementale familière, avec quelques lignes droites perdues parmi un attirail de courbes qui, ma foi, passent sans problèmes pour peu que l’on reste concentré. Vous inscrivez la Saab à 120km/h dans l’une d’elle, en sachant pertinemment que les Golf GTI et autres Alfasud passent à la limite à 110. Plus vite, plus lourd, mais vous êtes chaud. Hélas, et ce sont là les surprises des petits matins, un mini-éboulement a mené quelques cailloux précisément sur la bande médiane de la route. Le scénario-catastrophe se dessine furtivement : caillou saillant sur la trajectoire des roues gauches, éclatement d’un pneu en appui et possible perte de contrôle. A cette vitesse en appui, vous songez à élargir, vu que personne ne survient en face. Las ! Dès les premières fractions de seconde du changement de cap, vous saisissez que si vous élargissez, vous ne reviendrez pas. Non, pas de miracle avec une traction des années 60/70, Saab ou pas, aucune voiture de son époque ne pourra revenir sur sa voie après s’être déportée à l’extérieur en appui à haute vitesse. Essayez donc avec une R12 Gordini ou une Golf GTI… Solution 2 : vous serrez l’intérieur. C’est chaud, car vu que vous avez commencé à élargir, il faudra serrer davantage. De toutes façons, à l’heure qu’il est, plus le choix. Par automatisme, vous avez relâché l’accélérateur et vous voici à 110/105. Braquer vers l’intérieur en telle situation est périlleux. Une Golf GTI refuserait obstinément d’obéir, sortirait un brin trop large mais n’éviterait pas les cailloux. Une 205 GTI serait là victime de son train arrière joueur (tout comme une 206) et serrerait le virage au point de mordre le talus intérieur, au meilleur cas, voire de percuter un obstacle. Ne parlons pas d’une propulsion type Escort, Alfetta, BMW. Ni même d’une traction type Escort XR3 ou Kadett GSI. C’est l’accident assuré, par délestage brusque de l’arrière à haute vitesse en appui. Je parle bien entendu de voitures « usine ». La répartition des masses de la 900 travaille pour vous. D’une stabilité sidérante, elle se replace en donnant l’impression d’être sur les jantes. Vous n’êtes bien sur pas en train de vous curer le nez, empoignant le volant et perdant quelques grammes de sudation, et la 900 vous répondra en révélant l’osmose impeccable liant la voiture aux vicissitudes de la conduite. Une Saab 900 peut faire face à toutes les situations. Elle peut freiner, éviter, contourner, maîtriser, et ce à des allures supérieures à ses contemporaines qui n’avaient jamais entendu causer d’absurdes aides à la conduite… Voiture extrême, elle peut affronter des imprévus de même nature. Sa marge est insondable, du moins, tant que la motricité demeure. Nous parlerons plus tard de la neige. La 900 a été conçue dans une extraordinaire quête d’harmonie avec le conducteur, pour lui répondre, le satisfaire, le contenter, et surtout, le sauver. Pas de coup fourré. Son fond est aussi bon que celui des dauphins. Alors, cétacé ou mammifère ?
Polyvalente, donc. On ne passe pas forcément ses journées dans la zone rouge. Vous découvrirez que Madame apprécie rapidement cette voiture qui ne ressemble à aucune autre. Au point que le break Volvo, ce sera finalement pour vous. La première fois que Madame a essayé la 900, elle était ravie. Comment se fait-il que cette hatchback à la réputation sulfureuse, provocante avec ses gros sigles Turbo, soit en réalité si douce, si maniable et si docile ? Tout simplement car il s’agit d’une Suédoise. Les Suédois fabriquent des voitures « dont le fond est bon comme celui des dauphins » (je ne sais plus qui a dit ça…). Une Volvo est chaleureuse, confortable, et aucun des défauts qu’on lui prêterait en l’observant ne s’avère : elle est grosse, mais sa direction assistée et son rayon de braquage sont exceptionnels. Sa maniabilité aussi. D’une robustesse inimaginable, vous pouvez dormir tranquille. Vous voulez un break pour charger des rondins de bois ? Parfait, vous ne trouverez rien de mieux sur le Vieux Continent ! Un accident ? Pensez donc, Volvo est là, avec ses barres de renfort, ses revêtements souples, ses appuie-têtes anti-coup du lapin, ses ceintures anti-côtes cassées, son habitacle anti-intrusion, ses garnitures de portes anti-hématomes, son pare-brise très tôt feuilleté… Il fait froid, il neige ? Le chauffage est radical, le comportement de l’auto est rigoureusement équilibré (chez Volvo aussi, la répartition des masses fait des merveilles), vos amis l’appellent peut-être « le tank » mais elle ne vous laissera jamais tomber. Et Saab ? Jusqu’au début des années 90, c’était pareil. Même école. On fabrique une auto pour vous rendre service, une auto qui a tout prévu.
Madame sera donc rapidement conquise par les qualités de la 900 à laquelle on s’attache ensuite très vite. Pourquoi cet attachement ? Le style et l’esprit d’une Saab 900 flatte, différencie, sans aucune ostentation, aucune connotation, à part celle d’être une preuve de goût et de culture. Beaucoup de gens esthètes et cultivés qui ne s’intéressent pas du tout à l’automobile connaissent les Saab 900. Souvent, il aimeraient en avoir une, et parfois, passent à l’acte, choisissant avec précision un exemplaire hautement désirable, une T16 Aero noire avec du cuir caramel… Plus généralement, elle inspire invariablement la même réaction des passants : « Oh ! Une Saab 900 ! » Si elle reflète une image extrêmement valorisante, elle ne peut bien entendu s’en contenter pour affronter les Spider Alfa, les Mini ou les vieux Land Rover sur le terrain de la sympathie. Elle ne décevra pas à l’usage, bien au contraire. Son grand coffre rendra beaucoup de services au sortir de chez Ikea, ou plutôt, son lourd hayon aux vérins plus endurants que ceux de l’Alfasud, mais pensez quand même au bâton de ski. Et elle fait un si beau bruit. Que dis-je, une palette de bruits, dominée par le sifflement des turbines de votre petit avion privé. Ce n’est pas une voiture, c’est un avion. D’ailleurs, même s’il fait 2°, vous ouvrez le toit pour l’entendre décoller dans les tunnels !
S’il est impossible de se faire peur en Saab 900, quel type de mauvaise surprise peut-elle réserver ? Le bloc est d’une longévité remarquable pour le degré de performance. Il peut encaisser beaucoup, surtout en chaleur. La boite, elle, est bien plus souvent connue comme le loup blanc. Il arrive que les boites cassent, ne le nions pas. Mais.
Premièrement, si elle casse, cela se produit à des kilométrages déjà respectables. Quasiment indestructible, elle ne pose pas de problèmes et habitue son propriétaire à la tranquillité. Si son propriétaire avait choisi autre chose, la boite aurait sûrement survécu au reste, qui n’aurait, quant à lui, jamais atteint 220000kms après 10 années de conduite soutenue et d’intenses sollicitations. Forcément, le jour où quelque chose casse, on sort de sa torpeur est c’est désagréable. On avait perdu l’habitude de faire des frais, et d’un coup, il faudra sortir 500€ pour une belle boite qui brille et quelques heures de main d’œuvre (ça dépend surtout de la connaissance qu’à le mécano de la voiture…).
Deuxièmement, pourquoi la boite casse t-elle ? Se casserait-elle toute seule ? Carrément pas. Seulement, dans un ensemble de pièces robustes et endurantes, il en est une un peu plus fragile. Pas fragile parce qu’elle casse toute seule, mais fragile parce qu’il faut la ménager. Surtout à froid. C’est cette antinomie constante avec l’esprit et les capacités de l’auto qui lui fait du mal. La Saab chauffe vite, mais pas la boite. Les rapports passent vite et bien, mais mollo avec les syncros ! La casse de la boite dépend principalement de la manière dont en s’en sert. Le danger étant de s’habituer à une auto qui encaisse tout et de ne pas se préoccuper d’elle. On peut très bien passer les rapports vite mais sans forcer, il suffit de prendre le pli, la gestuelle, de savoir naturellement placer le levier par la grâce de l’habitude, les vieux Saabistes le savent bien…
Sachez aussi que l’embrayage est dans l’absolu très costaud, mais un peu moins que le reste de l’auto, donc il arrive qu’il casse alors que la voiture est pas encore tout près de la retraite des 4 ou 500000kms. Heureusement, son remplacement coûte la moitié que sur une BMW de la même classe pour peu que vous évitiez d’aller naïvement chez General Motors qui, en dépit de ses enseignes au nom de la Svenska Aeroplan, n’a cure de votre antédiluvien étron juste bon à être repris contre une Vectra de luxe rebadgée… N’attendez aucune concupiscence des propriétaires de Saab 9-3 si vous êtes en panne au bord de la route. D’ailleurs, vous ne tomberez pas en panne, mais par contre vous croiserez quelques 9-3 avec le capot ouvert !
Alors, quel type de raison peut immobiliser une 900 dans les herbes folles ? Il y a maintenant des lois et des obligations assez contraignantes, comme le contrôle technique qui veille à ce ne nous ne roulions pas dans des épaves. Le pot d’échappement d’une 900 est comme tous les autres pots de son âge : vieux. Les pneus sont à l’image de ses belles jantes : chers. Sauf pour les TRX qui ne sont plus disponibles, ce qui allège considérablement le devis. La distri ? Restons sérieux, c’est une chaîne. Alternateur, démarreur ? « Idémement pareil » que le pot : quand c’est foutu, faut le changer, c’est pas vraiment une voiture, certes, mais elle n’a pas été conçue sur la planète Mars non plus… Par contre, il ne faut pas laisser trop longtemps dans l’herbe, car à un degré bien moindre que ses contemporaines, il arrive qu’elle s’oxyde.
Où rouillent-elles ? Très souvent, dans le compartiment moteur et plus particulièrement le support de batterie. Les traverses et parois intérieurs des ailes sont très exposés. Il est possible que les projections d’acide de la batterie y soient pour quelque chose. Mais encore, par ses propensions à rouler dans la neige, dans le sel, à ne pas rouiller très vite et de manière peu visible et donc à ne pas être lavée très souvent, elle peut ne pas reluire de ce côté. L’autre attaque fréquente commence à la base des passages de roue. Continue sur les bas de caisse, les soubassements et les longerons. Enfin, surveiller au possible l’entourage de lunette ainsi que la partie cachée sous le béquet en mousse : il retient toutes les saloperies. En définitive, c’est peu par rapport à la majorité de voitures de cette époque.
Même si on lit toujours qu’elle fait partie des anciennes récentes, la 900 est considérée par ses propriétaires comme une auto remarquablement unique, et par les « instances » comme quelque chose de vaguement collectionnable qu’on accepte pas forcément encore dans les concentrations. Pas grave, les conducteurs de Saab 900 ne trouvent pas nécessairement leur pied en paradant, plus sensibles qu’ils sont sans doutes à apprécier le regard intéressé d’une élégante passante alléchée par cette délicieuse marginalité. Même s’il est marié à la plus belle femme du monde, le conducteur de Saab 900 aime plaire à celles des autres. La 900 est néanmoins une auto convoitée et reconnue dont on parle souvent dans la presse spécialisée. Etant bientôt possible de rouler en 900 trentenaire, elle se situe assurément à l’aube de sa carrière de belle du dimanche. Car non seulement vous avez une auto rapide, sûre, efficace, pratique, robuste, endurante, résistante aux extrêmes, valorisante mais pas frimeuse, d’une beauté unique, pleine d’aura et de charisme, mais en plus, c’est une vraie ancienne, une auto comme personne n’en fera jamais plus. C’est une vraie voiture, offrant tout, et même plus : le bruit, l’odeur, le souffle, la puissance, le caractère. Les Italiennes vous font fondre ? La 900 est la plus latine des Suédoises, d’ailleurs, les Italiens l’adorent. Les Américains aussi. Les Anglais. Les Allemands. Les Français. Le monde entier vous envie.
L'huile et la graisse , le secret de la vitesse !!